Femmes protestantes (11)

France Quéré

22 janvier 2019

Notre série sur les femmes protestantes continue. Sous la houlette de Marjolaine Chevallier, nous partons à la découverte de la vie et de l’œuvre d’une femme d’exception.

Pendant des siècles les femmes qu’on peut estimer savantes, instruites et capables d’enseigner à l’égal d’un homme sont extrêmement rares ; on nomme – comme des exceptions – Catherine de Parthenay (1554-1631) ou la néerlandaise Anna-Maria van Schurmann, qui connaissant bien les langues antiques sont théologiennes. On mentionne des princesses : Marguerite de Navarre, poète et passionnée aussi de théologie, ou encore les brillantes correspondantes de Descartes, Élisabeth de Bohème et Catherine de Suède, à l’esprit plus philosophique et plus scientifique.

Mais c’est très lentement et seulement au cours du XXe siècle que peu à peu les femmes ont pu accéder à l’enseignement supérieur et montrer leurs capacités dans tous les domaines de la recherche, de la médecine, de la politique, comme de l’art, de la littérature et de la pédagogie, où leur apparition avait été plus précoce. On compte bien quelques femmes de Lettres en France. Encore sait-on les difficultés des Sœurs Brontë (qui se donnent des prénoms masculins pour arriver à publier leurs chefs d’œuvre).

Mais à présent, quand le processus s’est généralisé, on est en peine de trouver des femmes protestantes remarquables à nommer, et si l’on pense à telle ou telle, elle est encore en vie...

 

Une femme de lettres

Celle à qui l’on pense, parce qu’elle s’est fait connaître et admirer par ses écrits et ses multiples conférences, c’est France Quéré (1936-1995). Née dans une famille universitaire (Jeaumes) de Montpellier, elle fait elle-même des études poussées en lettres (grec) et en théologie. Elle s’enrichit de l’influence d’André Dumas et de Paul Ricœur. Elle n’enseigne pas longtemps dans le secondaire et se met, dans les années 70 à écrire. Elle traduit du grec des Pères de l’Église primitive, puis étudie des personnages bibliques, ou l’éthique, la famille. Elle publie de nombreux articles ou éditoriaux dans l’hebdomadaire protestant Réforme et dans des revues catholiques, et elle écrit près d’une vingtaine de livres dont certains feront date : La femme avenir (1976), Les Pères apostoliques (1980), Les femmes de l’Évangile (1982), L’Éthique et la vie (1991), Jésus enfant (1992), L’amour et le couple (1992), Le sel et le vent (1995). Marie (1997), illustré de reproductions de tableaux, est posthume : France Quéré meurt prématurément, à 58 ans, d’une crise d’asthme.

 

Une éthicienne protestante

Durant sa courte vie, elle a su exprimer le fruit de ses réflexions dans des domaines et des milieux divers, elle siège au Haut conseil national de la famille, et – dès sa création en 1983 – au Conseil consultatif national d’éthique, où elle représente les positions protestantes.

Un vif débat l’oppose à des membres du mouvement Jeunes femmes qui l’accusent de ne pas être du côté des vraies féministes, car elle tient à magnifier l’amour qu’implique la tâche de mère au foyer, où les militantes s’estimaient reléguées... Elle, qui a épousé un scientifique universitaire et élevé leurs trois enfants, a vécu une expérience personnelle privilégiée.

Elle n’a pas écrit de thèse et n’a enseigné ni en éthique ni en théologie – il n’y avait encore alors presque pas de femmes enseignantes dans les Facultés de théologie –, mais a reçu un doctorat honoris causa de l’Université de Neuchâtel. On apprécie toujours la beauté de son style, la finesse de son intelligence et la vivacité de ses réactions.

En 2015, vingt ans après sa mort, un colloque lui a été consacré.

 

 

 

ENCADRÉ

 

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Couverture du livre à retoucher

 

Marjolaine Chevallier
maître de conférence honoraire à la faculté de théologie de Strasbourg

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