Aumônerie des prisons

Une nourriture

01 octobre 2018

Télescopage, coïncidence, inéluctabilité… Alors que le nombre de suicides, très élevé à la prison de Fleury au cours de l’été, faisait la une des journaux, le même drame se produisait dans le centre de détention dont je suis l’aumônier, fin août. Et cette fois il concernait une personne que je connaissais bien, dont j’étais proche, un peu un ami.

Or peu de temps auparavant, dans un entretien accordé à Télérama (n° 3571), Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, faisait la constatation, amère, citant Michel Foucault, que « la sanction pénale n’est […] pas le moyen de remettre le délinquant dans des conditions telles que ses chances de commettre un délit soient considérablement diminuées ». Et le taux de récidive de 61 % le prouve de façon implacable.

Les conditions dégradées de détention, les fragilités structurelles des personnes détenues peuvent expliquer, en partie, ce taux de suicide élevé dans la population pénale. Mais, sans apitoiement ni angélisme déplacés, nous ne pouvons pas oublier que ces personnes vivent une souffrance personnelle, fruit toxique de leur vie souvent « cabossée » et du remords de leur crime. Une fois la peine prononcée, la société n’a-t-elle pas le devoir d’entreprendre l’accompagnement nécessaire à la limitation des risques de récidive ? Certes oui, et cet accompagnement passe par la restauration de chacun, gage pour « raccommoder » les accrocs laissés dans le tissu social par les crimes commis.

Souvent j’évoque avec les personnes détenues les quarante jours d’Élie au désert (1 R 19) : alors qu’il implore la mort, le Seigneur vient le restaurer, physiquement, pour qu’il puisse entreprendre une marche de repentance, de méditation mais surtout de ressourcement. Cette nourriture ne manque-t-elle pas à nombre de personnes détenues ? La privation de liberté est certes la sanction d’une faute, mais elle ne doit pas se transformer en annihilation de l’élan vital.

Alain SORBA

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