Cap au large

Une Église protestante en plein cœur de Londres

01 juin 2018

Le 25 mars dernier, Philippe Cousson, président du consistoire du Poitou, a franchi la Manche pour assister au culte de commémoration du premier culte, jour pour jour, le dimanche 25 mars 1893 dans ce qui était alors le nouveau bâtiment de l’Église protestante française sur Soho square. Retour sur l’événement et petite présentation de cette Église outre-manche.

La communauté francophone de Londres a été établie par charte royale en 1550 par le roi Edouard VI et a perduré jusqu’à maintenant, à l’exception du règne de Mary Tudor, dite Bloody Mary. Des nombreuses communautés francophones au moment du Refuge, il ne reste plus que celle-ci, avec celle de Canterbury. Après avoir connu plusieurs lieux de culte, elle s’est établie à Soho à la fin du XIXe siècle.

Un culte festif

Dans ce temple magnifique, rouge sur la façade de briques et jaune à l’intérieur en terracotta, lumineux, cette célébration anniversaire a regroupé la communauté francophone de Londres, des invités représentant Églises et autorités dont l’ambassadeur, la consule, le député, le sénateur et une représentante du Conseil de la commune de Westminster avec son collier de fonction.
Après les allocutions de l’ambassadeur de France et du président de la Communauté d’Églises protestantes francophones (CEEFE), le pasteur Bernard Antérion, accompagné par trois musiciens talentueux, un culte protestant s’est déroulé comme en France, mis à part les quelques lectures ou cantiques totalement ou partiellement en anglais. Il a été conduit par le pasteur Stéphane Desmarais avec la participation de quelques-uns de ses paroissiens.
Comme nous étions un jour de Rameaux, le texte du jour était le récit de Marc, et le pasteur a mis en évidence le rôle discret mais important de l’ânon. Le Seigneur en a besoin a été sa pointe. Il a besoin de chacun et de tous, et de ce lieu.
Un vin d’honneur, véritable buffet dînatoire avec vin, fromage et pâté, a conclu ce culte festif, occasion de rencontres nouvelles et renouvelées.
   
Le temple vu de la rue © DR
 Culte de commémoration du premier culte dans l’église de Soho © DR


Un fonctionnement pérenne

L’Église protestante française de Londres (EPFL) est membre de la Communauté d’Églises protestantes francophones (CEEEFE) affiliée à la Fédération protestante de France. Cette communauté d’Églises, qui fédère une trentaine d’Églises de par le monde, a pour vocation d’organiser l’échange d’informations et des personnes, l’entraide financière, l’action commune, l’animation théologique et l’interpellation réciproque.
Les cultes ont lieu chaque dimanche de l’année sans exception et réunissent entre 40 et 120 personnes. Les enfants inscrits au catéchisme sont aujourd’hui au nombre de 60. Peu de membres considèrent le temple comme leur temple « de famille » et la communauté doit compter pour les dépenses extraordinaires sur la générosité de donateurs extérieurs.

Tympan installé au-dessus de la porte du temple lors du 400e anniversaire de l’Église en 1950 © DR
  Le Trust, qui contrôle et fait fructifier les biens légués par les descendants de Huguenots, est composé de trois membres désignés par le consistoire et de six à dix Trustees extérieurs à l’Église de Soho mais de descendance huguenote. Les revenus des fonds du Trust sont affectés au fonctionnement courant du temple (Church fund), à des œuvres relatives à l’éducation (Education fund) et à l’allégement de la pauvreté (Hardship fund).
Les dépenses courantes sont donc assurées indéfiniment par les revenus d’une organisation caritative affiliée, le Trust de bienfaisance de l’Église huguenote française de Londres. 

Le point faible est que Londres est une ville cosmopolite, donc un lieu de passage. 
Le consistoire est le noyau autour duquel s’articulent la vie, l’animation et le bon fonctionnement de la communauté protestante française de Soho.
Il est composé de onze personnes. Certaines y tiennent un rôle un peu plus particulier (secrétariat, finance et trésorerie, bibliothèque, documentaliste…). Une équipe un peu plus large les accompagne pour les différentes phases du grand projet de rénovation de l’église qui se met en place pour 2018-2019.

Une ascendance huguenote

À l’instigation de plusieurs réformateurs, dont Calvin, et sur le conseil de ses ministres, Édouard VI accorde aux protestants du continent la liberté de pratiquer le culte hors de l’Église d’Angleterre. Par charte royale, le 24 juillet 1550, il fonde l’Église des étrangers et nomme les premiers pasteurs. Dès octobre, les francophones acquièrent un temple à Threadneedle Street, tandis que les flamands et les germanophones, qui ont aussi deux pasteurs, demeurent à Austin Friars. L’EPFL et l’Église néerlandaise (Dutch Church) sont les deux personnes morales issues de la charte de 1550.
Le nombre de Français à Londres, et la taille de sa congrégation, atteint son maximum au XVIIIe siècle lors du Refuge. On estime que 5 % de la population actuelle du Royaume-Uni a une ascendance huguenote.
Dès l’été 1940, l’Église s’engage aux côtés du général de Gaulle et devient le principal point de ralliement des protestants de la France libre. Le pasteur Frank Christol est nommé aumônier protestant des Forces françaises libres (FFL). Le mensuel, Le Lien, se transforme en « organe protestant de la France combattante » distribué aux protestants des FFL sur tous les fronts. Pendant la guerre, l’EPFL dénombre parmi ses membres sept morts civils et quatorze morts militaires, dont Jacques-Henri Schloesing, compagnon de la Libération.
Le temple actuel a été classé monument historique. En août 2017, Historic England l’a promu au grade II, c’est-à-dire parmi les 8 % des bâtiments anglais classés les plus importants. L’édifice abrite également une bibliothèque de 1 400 volumes, dont les plus anciens datent du XVe siècle, et des archives de grande valeur historique.
L’EPFL en est maintenant à son 72e pasteur. Leur nomination reste soumise à l’approbation de la Couronne. Stéphane Desmarais, pasteur de l’EPUdF, est depuis l’été 2103, pasteur de Soho. Il assure la plupart des cultes dominicaux durant l’année et l’animation spirituelle de la communauté. En août, il est remplacé, afin de garder les portes de l’église ouvertes. Il participe chaque mois aux rencontres œcuméniques avec les ministres du culte de Westminster.

La nef vue du balcon © DR

 

Philippe Cousson et Élisabeth Renaud

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