Celui qui reste

Une chronologie du deuil

31 octobre 2018

Le parcours de deuil est jalonné par la confrontation à des réalités incontournables qui sont autant de seuils à franchir pour avancer.

La présence (ou absence) du conjoint au moment de la mort change le rapport au décès lui-même. La qualité des derniers instants, la prise en charge de la douleur vont être des éléments marquants. Ces derniers instants de vie restent ancrés dans la mémoire et seront souvent racontés.

Les quelques heures après le décès, l’effervescence des choses à faire mobilise l’attention. L’activité met une sorte de limite à la douleur et permet à la personne veuve de survivre à ces premiers jours.

Le deuil est un chemin qui prend du temps, jalonné d’étapes nécessaires (© Nile / Pixabay)

 

Pour les chrétiens, comme pour les autres, la participation à un rituel collectif concourt au travail de deuil. Le sens des rites est l’inclusion dans un réel commun, il permet de passer du solitaire au solidaire, comme l’exprime Saint-Exupéry : « Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace. »

Les démarches administratives peuvent être complexes et longues. Les chicanes administratives sont à la fois une bataille fatigante un peu inhumaine et l’occasion d’entrer dans la lutte de la vie, de rester vivant.

Les lettres de condoléances viennent remplir un rôle important pour le tissu social au moment de la perte de l’être aimé et donc d’un manque affectif. Ces lettres seront relues souvent comme autant de preuves de la bonne image qu’a laissé le défunt et des appuis amicaux sur lesquels peut s’appuyer le veuf/veuve.

Les écrits du défunt, ses souvenirs, les lettres d’amour d’un couple peuvent être un bon support, en cas de veuvage, pour repenser à la relation et se nourrir de l’aspect positif de tout ce qui a pu être partagé.

Trier tout de suite les affaires personnelles du défunt, les habits et les objets, est moins douloureux. Pourtant, les trier lentement au fil des mois est une façon de poursuivre un dernier bout de route avec le défunt, pour l’intégrer en soi ; démarche plus longue et douloureuse, mais bénéfique.

 Ce n’est pas un hasard si le judaïsme propose aux croyants de dire la prière du Kadish chaque jour pendant un an : la première année pose beaucoup de sensations de fragilité ; le premier Noël sans lui, les premières vacances… Tout un calendrier à apprivoiser avec un terrible manque.

À chaque anniversaire, le souvenir du deuil se fait sentir. L’entourage devrait oser marquer le souvenir ensemble, pas forcément de façon triste, mais en se donnant l’occasion de parler du défunt et du travail de deuil que chacun effectue, en particulier lors du premier anniversaire.

Rien de plus dur que de s’obliger à vivre les fêtes quand on est en veuvage ! Une période de rejet de la joie superficielle et de grande solitude intérieure est incontournable.

On ne peut pas employer l’expression clôture du deuil, comme si la question était réglée. Quand la période de grosse souffrance est achevée, il reste des traces, des douleurs ponctuelles et une cicatrice. La durée du deuil du veuvage est bien plus longue qu’on ne croit. Pour quelques-uns, le deuil restera jusqu’au bout de leur vie. Si certains chercheront rapidement un nouveau conjoint, par besoin d’échapper à la solitude, il est courant que la relation de ce nouveau couple soit impactée par ce deuil non terminé et la présence fantomatique du premier partenaire.

Nicole DEHEUVELS,
pasteure, conseillère conjugale et formatrice à La Cause

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