Ferdinand Buisson

Un protestant, père de la laïcité

01 septembre 2017

Notre protestantisme aime rappeler ses luttes pour la liberté de conscience, ses engagements sociaux, ses résistances face à l’inhumain, sa forte implication dans la République laïque. Nous aimons mettre en avant nos grands personnages pour qu’ils continuent à alimenter notre foi et nos engagements.

Parmi ces personnages protestants, il y en un qui occupe une place un peu particulière : Ferdinand Buisson. Place particulière dans notre culture protestante car ce que nous retenons de lui et que nous mettons en avant c’est avant tout son combat pour la laïcité lorsqu’il était président de la commission parlementaire chargée de mettre en œuvre la séparation des Églises et de l'État. Ce même combat qu’il avait commencé à mener quand il était directeur de l’Enseignement primaire au coté de Jules Ferry et dont il accompagne les lois de laïcisation de l’école.

 

La « Bible » de l’école laïque

C’est dans cette fonction que Buisson dirige la rédaction du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire, qui est considéré comme la « Bible » de l’école laïque et républicaine. C’est ensuite comme fondateur et président de la Ligue des droits de l’homme que Buisson est mis en avant. Un engagement fort pour la justice. Et c’est sans doute son prix Nobel de la paix, reçu en 1927, qui le consacrera comme figure du protestantisme engagé. Buisson occupe une place particulière dans notre culture protestante car nous oublions ce qu’il a apporté à la réflexion théologique en le réduisant à ses seules fonctions politiques ou scolaires.

 

Christianisme libéral

Buisson est avant tout un philosophe. Il rédige une thèse sur Sébastien Castellion. Mais ce n’est pas cette thèse qui constitue la plus grande influence théologique. Il faut se rappeler que Ferdinand Buisson, sans être pasteur, sera à l’origine de la création d’une Église libérale à Neuchâtel en 1869. Il s’entoure pour cela des pasteurs Jules Steeg et Félix Pécaut. Cette nouvelle Église doit se doter d’une déclaration de principes et de l’exposition des grandes orientations. Buisson rédigera alors le « Manifeste du christianisme libéral », qui se veut un exposé populaire de ses principes.

« Sous le nom de christianisme libéral, nous entendons une religion ayant pour but unique le perfectionnement spirituel de l’homme et de l’humanité. Sous le nom d’Église libérale, nous entendons une association volontaire d’hommes qui s’appliquent ensemble à la poursuite d’un idéal moral supérieur à la stricte justice. Cet idéal - qui suppose la soumission constante et sans réserve à une autorité unique, celle de la conscience - peut se définir : dévouement absolu au bien absolu. Le culte du bien, qui est l’essence de cette religion, s’exprime principalement par l’amour de Dieu et l’amour des hommes. »

Hommes de bonne volonté

L’objectif de l’Église libérale est donc de réunir « les hommes de bonne volonté » dans leurs diversités de croyances et même de non-croyance. « L’Église libérale reçoit en son sein tous ceux qui sont d’accord comme hommes à entreprendre vigoureusement le travail de leur commune amélioration spirituelle, […] S’il se trouvait même des hommes qui prétendissent être athées et qui néanmoins prissent comme les autres le sérieux engagement de participer de toutes forces à cet effort moral que supposent les mots culte du bien, amour de l’humanité, l’Église libérale devrait les recevoir au même rang que tous les frères, non athées, mais comme hommes. »

L’objectif de Buisson était de dégager du christianisme éternel une sorte d’Évangile fait de la moelle du vieil Évangile, une religion laïque de l’idéal moral, sans dogme, sans miracle, sans prêtre. Avec la loi de 1905, et l’instauration de la laïcité nous aurions pu penser que Buisson voyait la réalisation de cette foi laïque où l’Évangile n’est plus une parole mais une réalité. Hélas les opposants à la loi auront raison d’elle car elle sera perçue comme loi limitant la liberté, alors qu’elle se voulait tout le contraire. Et si aujourd’hui la laïcité est un principe constitutionnel, il n’en reste pas moins que nous avons beaucoup de chemin à faire pour faire advenir un vivre ensemble apaisé. La figure de Buisson peut alors être pour nous un exemple et peut-être même une source d’inspiration.

Christophe COUSINIÉ,
pasteur de l’ensemble entre Gardon et Vidourle

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