Histoire

Saint-Jean-du-Gard. Terre de Liberté

01 octobre 2018

Depuis le XVIe siècle la minorité protestante sait lire. Grâce à cet atout culturel déterminant, une communauté tragiquement persécutée exercera, à l’échelle du pays, son influence en matière politique, économique et sociale jusqu’à nos jours. Le thème est connu, mais dans l’ouvrage qui est présenté ici, le voilà renouvelé.

 

 

Depuis le XVIe siècle la minorité protestante sait lire. Grâce à cet atout culturel déterminant, une communauté tragiquement persécutée exercera, à l’échelle du pays, son influence en matière politique, économique et sociale jusqu’à nos jours. Le thème est connu, mais dans l’ouvrage qui est présenté ici, le voilà renouvelé.

 

Un travail d’historienne

Solidement appuyée sur une large source documentaire, Nelly Duret décrit la lutte de la population d’un village cévenol huguenot à travers sa résistance récurrente au totalitarisme étatique au cours des âges. Parallèlement, est mise en évidence l’élévation de dynasties familiales appuyées sur les réseaux établis à travers l’Europe avec l’exil de certains de leurs membres. Enfin, une explication est tentée qui justifie la brillante réussite de cette petite bourgade, alors qu’elle donne des élites politiques, économiques et militaires au pays.

 

Une véritable enquête historique

Quels mécanismes ont été mis en œuvre pour que la population saint-jeannaise puisse afficher un tel bilan ? La réponse se trouve dans la trame de ce livre. Le poids d’un pouvoir central omniscient sur des populations rurales assujetties ne peut être soulevé que par les destinées individuelles. C’est pourquoi cet ouvrage fait la part belle aux biographies établies à partir d’archives familiales, de livres de raison, de testaments, de journaux intimes, autant d’écrits qui au-delà de la complexité des parcours personnels, traversant leur époque ou se modelant sur elle, décrivent et expliquent la spécificité saint-jeannaise.

Ce livre n’a rien d’une monographie traditionnelle. Pour l’auteure, il s’agit de retracer une micro-histoire à partir d’un travail d’enquête. Après la recherche des éléments à verser au dossier, l’historienne a classé, hiérarchisé et retenu ce qui a semblé essentiel à sa démonstration, à savoir que le passé saint-jeannais est frappé au sceau de la lutte en faveur de la liberté et du respect des droits imprescriptibles de l’homme.

 

Connaître l’histoire pour appréhender le présent

Cette revendication non négociable irrigue la mémoire de la cité, par-delà les oppositions sociales ou les ruptures générationnelles. Mais cette histoire de chair, de sang et de larmes se tisse aussi à travers les trous et les manques. C’est ici une affaire de choix. Tout ne peut être retenu, aussi l’auteure a désiré privilégier du passé de Saint-Jean-du-Gard les éléments qui préfigurent son avenir.

Le parti pris du temps long éclaire les événements par leur mise en perspective les uns par rapport aux autres et cela jusqu’à ce que l’émotion d’hier poursuive le lecteur dans le présent. Ce texte ressuscite les morts, dialogue avec les disparus, rend vie à ceux qui, en marge de l’histoire nationale, « obscurs et sans grades », ont joué leur existence pour occuper leur place, dire leurs droits et défendre bec et ongles leurs acquis. Les vies « minuscules » de ces oubliés de la grande Histoire seraient-elles moins riches, moins colorées, moins foisonnantes que celles placées par la gloire sous le feu des projecteurs ? Certes non, c’est tout l’intérêt de ce texte de nous le rappeler. Bref, un récit historique puissant qui met en évidence la contribution remarquable d'une humble communauté cévenole à l'Histoire nationale.

En savoir plus

Nelly Duret, Saint-Jean-du-Gard. Terre de liberté, 2018, Nîmes, éditions Ampelos, préface de Patrick Cabanel, 19 €.

Le comité de rédaction du Cep

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