Quand science et théologie se mêlent : la mécanique quantique, Dieu et l’Homme

Les découvertes de la physique ne sont pas sans importance pour le théologien. Pour beaucoup, la tentation est de séparer ces deux domaines de la science et de la foi. Pourtant, cette mise à l’écart ne peut être maintenue totalement. On pourrait si l’on ne croyait en Dieu que comme une sorte d’idéal philosophique ou moral. Mais si l’on croit dans un Dieu créateur, ou dans un Dieu qui agit concrètement dans le monde, alors ce Dieu a nécessairement un lien avec le monde, il interagit avec lui, et donc se pose la question du comment. Et puis, si la foi n’est pas qu’un fantasme, une projection de désirs infantiles, si Dieu est pour nous une réalité, alors le discours sur Dieu parle de nous, de notre expérience quotidienne, or celle-ci se fait dans un monde qui est décrit par les lois de la physique, et est structuré par la raison, et il faut pouvoir en rendre compte. Ainsi mieux connaître et la nature et son fonctionnement peut nous aider à mieux comprendre qui est Dieu et à préciser, voire à inspirer notre théologie, et la manière avec laquelle nous habitons le monde et celle avec laquelle Dieu s’y implique.

Ainsi n’est-il pas inintéressant de réfléchir quelques minutes sur une des théories les plus extraordinaires de notre temps : la mécanique quantique, objet du prix Nobel offert à Alain Aspect et ses collaborateurs cette année en 2022.

A cette occasion peut-être avez-vous eu la curiosité d’essayer de comprendre ce qui était en question dans l’attribution de ce prix. Si vous avez tout compris, alors bravo, mais il est plus probable que, comme moi, vous ayiez été très vite totalement perdus et dépassés.

Cela en soi est d’un enseignement d’une grande importance.

La réalité est bien plus complexe que ce que nous en voyons

En soi, la difficulté que nous avons de comprendre la mécanique quantique nous enseigne déjà quelque chose d’important : la réalité, même physique, est infiniment plus compliquée que ce que nous en voyons ou comprenons. Nous ne pouvons donc plus dire « je ne crois que ce que je vois », ni nous fier à son notre bon sens, au sens commun pour pouvoir prétendre dire ce qui est possible ou impossible. Nous pouvons avoir l’impression que le monde matériel est simple, mais il ne l’est pas. Bien sûr, il s’agit, pour la mécanique quantique, du domaine des particules, et nous ne les expérimentons pas directement, mais ce sont pourtant elles qui forment notre monde. Le fait est que nous ne percevons qu’une très petite partie de la réalité. Nous voyons de la lumière, pourtant il y a des infrarouges et des ultraviolets d’une extrême importance et que nous ne percevons pas. Nous entendons des sons, mais seulement les fréquences comprises entre 20 et 20.000 Hz, il y a beaucoup de sons que nous n’entendons pas. Le monde ne se réduit donc pas à l’expérience que nous en avons. Et quant à savoir ce qu’il est en lui-même, le sens commun ne fait que nous tromper.

Il faut dire que le monde microscopique des particules est vraiment très très étrange. Il y a des particules qui peuvent être à deux endroits en même temps. Et ce n’est pas qu’une question de probabilité comme si elles pouvaient être ici ou là sans que nous le sachions vraiment, mais elles sont vraiment délocalisées à telle point qu’une particule peut même se cogner avec elle-même ! Dans le monde quantique, il n’est pas impossible qu’une particule traverse un mur pour se transporter à un autre endroit, et autres bizarreries.

Et ainsi, moi-même qui suis formé de particules, il n’est pas impossible que je puisse traverser un mur pour me rematérialiser de l’autre côté. C’est très très improbable, certes, mais pas impossible. C’est juste une question de probabilité. C’est ce qu’enseigne la mécanique quantique : tout est probabilité. Non pas incertitude, comme si nous ne parvenions pas à savoir si une particule était ici ou là, mais bien de probabilité, la particule est, en elle même, indéterminée quant à sa position et peut bien être dans plusieurs états en même temps !

C’est ainsi qu’on en arrive à l’idée paradoxale du chat de Schrödinger. Puisque nous avons affaire à des particules délocalisées, (ça on le sait), on imagine un chat dans une cage avec un capteur de particule qui peut déclencher la libération d’un poison mortel. La particule étant définie seulement par des probabilités de présence, elle peut être à la fois sur le détecteur et à la fois ailleurs, et donc le poison être en même temps libéré et non, et le chat à la fois mort et vivant !

Cela n’est pas vraiment un paradoxe. Les physiciens savent aujourd’hui que cette indétermination se résout dans le passage au macroscopique. Ainsi une particule est à la fois en un endroit et ailleurs, mais dès qu’elle est détectée quelque part, elle cesse d’être ailleurs. On peut donc avoir la tentation de mettre les questions de la mécanique quantique de côté en disant qu’elles ne concernent que l’infiniment petit et pas le monde que nous expérimentons. Mais on ne peut se débarrasser du problème si simplement. D’abord, c’est bien de notre monde dont il est question, la matière est faite de ces particules au comportement étrange. Et on sait que des causes microscopiques peuvent avoir parfois des conséquences macroscopiques. On ne peut donc séparer radicalement les deux domaines du microscopique et du macroscopiques, ils sont liés, et notre monde est quantique, qu’on le veuille ou non, même si nous n’en faisons pas l’expérience tous les jours.

Cela nous apprend pas mal de choses intéressantes.

Le monde n’est pas déterminé par les lois physiques

La première caractéristique de notre monde que nous incite à prendre au sérieux la mécanique quantique, c’est l’importance de l’indétermination. Le monde n’est pas déterminé, et contrairement à ce que pouvait penser Laplace (le physicien de Napoléon), ou même Einstein, les lois physiques ne verrouillent pas tout dans le monde, il y a des marges d’indétermination même dans le cadre des lois de la physique. Pourtant il ne semble pas que ces indéterminations se résolvent totalement au hasard. Le hasard est un jeu à somme nulle, et à jouer infiniment à pile ou face, on ne gagne rien... à moins que la pièce soit pipée. Et c’est ce que nous observons, il y a dans le monde ce que l’on appelle une orthogénèse, une direction dans laquelle il semble évoluer sans qu’aucune loi physique ne préside à cela.

Il y a là un espace pour imaginer que Dieu puisse être. Cette approche est certainement infiniment plus intéressante que celle vers laquelle s’orientent un bon nombre de chrétiens en allant chercher du côté du Big Bang. L’argument de dire que si l’univers a un commencement absolu, alors il faut bien qu’il y ait quelque être avant ce commencement est des plus discutables. D’abord parce qu’au mieux cela poserait un Dieu qui serait celui du Déisme, un Dieu comme l’horloger de Voltaire présent au moment de la création, mais pas après. Et ensuite, l’idée d’un commencement absolu de l’univers est de plus en plus discuté par les scientifiques.

L’esprit humain est quantique

L’indétermination dans le monde matériel, est donc une des grandes découvertes de la mécanique quantique, on ne peut que penser en parallèle à ce qu’il y a de plus indéterminé dans le monde : le psychisme humain. L’homme a une véritable et profonde liberté d’action, ce qu’il va penser ou faire est souvent totalement imprévisible et ne répond à aucune loi exacte. Pourtant l’humain est une parcelle d’univers, et sa pensée, son psychisme n’est pas extérieur au monde matériel, il en est une partie. Et en plus, l’humain, mu par sa pensée peut agir sur le monde matériel et devenir une cause physique. Nous sommes donc faits de matière macroscopique, pourtant il y a dans notre vie bien des choses qui échappent aux équations ordinaires et à la physique : la pensée, le psychisme, la conscience restent fondamentalement des réalités de l’univers que la science ne peut pas mettre en équation. Certes, cela n’est pas totalement indépendant de la physique ou de la biochimie, les biologistes matérialistes vont expliquer qu’un sentiment comme l’amitié, l’amour ou la haine correspondent à des déversements de produits dans le cerveau. Mais le psychisme échappe à la physique, et la physique ne sait pas ce que c’est que la conscience, il échappe aux lois de la mécanique ou de la science classique, mais pourtant il fait partie du monde matériel.

Ainsi peut-on oser une proposition, c’est qu’en fait notre esprit est profondément quantique, ce qui se dit des particules de l’infiniment petit s’applique aussi à l’esprit. Notre psychisme est quantique, ou en tout cas, a un comportement plus proche de celui décrit par la mécanique quantique que par aucune autre théorie physique. Il est un fait que c’est dans l’humain que se trouve la plus grande indétermination de tout l’univers, l’homme par son psychisme est le lieu le plus éclatant de la possibilité de liberté d’évolution indépendamment de toute prévision possible par des lois physiques. C’est là que l’on retrouve comme concentrée une qualité que l’on a découverte seulement dans les particules élémentaires. On peut donc être tenté de voir si les caractéristiques du monde quantique ne peuvent pas permettre de mieux comprendre comment fonctionne l’esprit humain.

Le paradoxe des particules corrélées

C’est là que nous pouvons en venir à ce que le prix Nobel de physique a valorisé. Il s’agit d’une découverte essentielle en rapport avec ce que l’on appelle le paradoxe EPR. Pour résumer en deux mots ce qui est en question voici : quand la mécanique quantique commence à se développer, Einstein n’aime pas trop. Lui il est plus dans l’infiniment grand que l’infiniment petit et sa théorie de la Relativité générale va dans un autre sens. Il essaye donc de prouver par l’absurde que la théorie quantique est fausse. Pour cela, avec deux collègues, Podolsky et Rosen, il imagine un type d’expérience qui consisterait à frapper une particule avec une autre pour qu’elle se divise en deux, chacune s’éloignant de l’autre. Chacune de ces deux demi-particules devrait avoir des particularités complémentaires, comme si l’une était « + », l’autre devrait être « - ». Mais d’après la mécanique quantique, chacune pourrait être dans l’un ou l’autre état d’une façon indéterminée. Mais si on mesure l’une des deux, alors c’est comme si ça la fixait dans un état. L’autre devrait alors être fixée en même temps dans l’état complémentaire. Mais si on touche à l’une des deux, comment l’autre pourrait-elle le savoir à distance ? Einstein dit que c’est impossible puisque rien ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière dans l’univers, et aucune information ne peut donc transiter plus rapidement, et en tout cas pas instantanément. Donc la mécanique quantique a forcément tort !

Mais voici qu’en 1984 un jeune physicien, Alain Aspect, sans chercher à débattre, a l’idée géniale de tout simplement faire l’expérience. Il fait tout comme Einstein l’avait imaginé, et il démontre qu’en fait ce qu’Einstein avait présenté comme impossible se passait bien ainsi ! Les deux particules issues d’une même origine restent liées et semblent communiquer sans qu’aucune information ne circule entre elles. Personne n’a su dire pourquoi, mais ça se passe bien ainsi. La mécanique quantique avait donc bien raison. On a appelé cela le « paradoxe EPR » du nom de ses trois inventeurs (Einstien, Podolsky et Rosen), ou « paradoxe des particules corrélées ». La recherche a continué et on parle maintenant d’intrication quantique pour parler de ce fait, sans qu’on puisse vraiment l’expliquer pour autant !

Les conséquences de cette découverte sont vertigineuses pour nous.

Il y a un lien entre tous les êtres

D’abord cela montre qu’il existe des liens entre différents objets de l’univers indépendamment tout moyen de communication d’information connue. Peut-être cela est-il en rapport avec ce que les cosmologistes qui étudient l’univers dans sa globalité ont observé : l’univers est en expansion extrêmement rapidement, ce qui fait que les parties extrêmes s’éloignent les unes des autres plus vites que la vitesse de la lumière. Normalement elles ne devraient pas pouvoir communiquer entre elles. Or ce qui étonne les physiciens est l’homogénéité de l’univers. Alors que, comme nous l’avons dit, les lois physiques ne déterminent pas tout, l’évolution pourrait se faire un peu différemment suivant les endroits. Or il semble qu’il y ait un lien universel faisant que l’univers se développe néanmoins d’une manière cohérente d’une extrémité (si l’on peut dire) à l’autre.

Or, ce qui est vrai pour les particules, ce qui semble l’être aussi pour la totalité du monde, pourquoi ne le serait-il pas aussi vrai pour nous. Et oui, certainement, il existe entre les êtres qui ont quelque chose de fort en commun, une origine commune, un lien profond. Cela, nous l’expérimentons d’une manière commune quand on pense à quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis des années et qu’à cet instant précis il appelle au téléphone ! Ou cela va dans le sens d’histoires que l’on trouve dans toutes les familles d’une sorte de communication de pensée, de ressenti entre une mère et son enfant, entre deux jumeaux, même à distance.

Cela peut être une justification de la prière d’intercession. Quand on prie pour quelqu’un d’autre, il n’est pas question de réclamer des actions particulières à un Dieu tout-puissant qui nous écouterait, mais de se mettre en communication, en communion avec quelqu’un d’autre à travers une unité cosmique qui nous dépasse et nous relie. Ainsi quand on prie pour quelqu’un, aucune information, au sens physique ne circule, pas plus que quand on prie Dieu. Mais on peut croire que, néanmoins, il y a une sorte d’état d’intrication qui fait qu’il y a quelque chose qui circule et qui n’est pas rien. La prière d’intercession n’est pas un acte magique de toute puissance, il ne s’agit pas, à distance, de recoller une jambe cassée, mais d’utiliser ce lien fondamental qui existe entre des êtres corrélés. Le scientifique demandera comment cela peut se faire, mais il ne sait même pas comment les particules corrélées du paradoxe EPR communiquent, alors pourquoi pas nous, pourquoi pas le psychisme qui est une réalité physique infiniment complexe ?

Aujourd’hui, les chrétiens ont peur de dire « je prie pour toi », à cause d’une sorte d’opinion laïque répandue, alors on dit « je pense à toi », ou « je t’envoie de bonnes ondes ». Peu importe en fait, dans tous les cas, ce n’est pas rien ! Et même peut-être infiniment beaucoup !

Ce lien entre les particules issues d’une même origine et cette homogénéité de l’univers incite à penser que l’idée que nous soyons, nous humains, tous liés ensemble n’est pas totalement absurde.

Nous sommes d’abord en lien avec l’ensemble du monde, et c’est peut-être le sens de la prière en général. Quand on prie, à qui parle-t-on ? Qui écoute ? Ou va l’information que nous formulons dans nos paroles ? Impossible de répondre, mais on peut penser que c’est n’est pas pour autant qu’il n’y a pas quelque chose qui nous relie avec l’ensemble de l’Univers, avec l’esprit du monde, le sens profond de ce qui est partagé avec toutes les parties de cet Univers, où qu’elles soient. Prier, c’est se mettre en communication avec le grand tout, et pourquoi pas. L’esprit humain par sa complexité est peut-être capable de sensibilité à des dimensions et des phénomènes normalement indécelables dans le domaine de l’expérience matérielle macroscopique.

Tout être humain est corrélé

Cela irait aussi dans le sens de la pensée de Teilhard de Chardin enseignant qu’en fait nous sommes tous corrélés, profondément liés les uns entre les autres. Ainsi, personne ne peut faire son salut tout seul. De même que personne ne peut être vraiment heureux tant qu’il y a un malheureux à sa porte. Aucun individu n’est seulement pour lui-même, mais dépend aussi de tout ce qui se passe autour de lui, et de ce que ressentent ses frères et ses sœurs autour de lui. Cela est une idée fondamentale du judaïsme qui parle plus de peuple élu que de personne élue, pour lui, le salut est collectif ou il n’est pas. Le christianisme insiste, certes, plus sur l’idée d’individu que de peuple, pourtant il n’évacue pas la notion de collectivité avec l’importance de l’Eglise, ce qui fait que personne ne peut être vraiment chrétien tout seul dans son coin en se coupant de tous les autres. Paul a magnifiquement développé cette idée en montrant que chacun de nous n’est que comme un membre d’un grand tout qui est le corps, et si un membre est malade, tout le corps est malade (I Cor. 12 :27).

C’est cette même idée que le philosophe Martin Heidegger a exprimée dans son concept de Dasein désignant l’homme. Pour lui l’homme n’est pas un simple « étant », forme concrète de l’être, il est un Da-sein, c’est à dire un « être-là » parce que l’endroit où il est (« là ») a autant d’importance que son être même. L’homme n’est pas le même n’importe où, contrairement à un objet inerte qui est lui-même où qu’il soit, l’homme est un être en relation avec le monde et avec ce qui l’entoure. Ce qui caractérise l’homme, pour Heidegger, c’est son « être au monde », ainsi il n’est pas dans le monde comme l’eau est dans une bouteille, parce qu’en étant dans le monde, il est en interaction profonde avec tout ce qui constitue son monde. Cela est très vrai, nous l’expérimentons évidemment quotidiennement avec nos plus proches, quand, lors d’un mariage, on dit aux époux qu’ils ne sont plus deux mais un, c’est une vérité absolue, si nous vivons avec quelqu’un son bonheur fait notre bonheur, et son malheur fait notre malheur. Personne n’est indépendant des autres, et nous sommes tous plus ou moins corrélés, d’abord avec nos plus proches, ceux qui ont une origine commune avec nous, puis avec le monde entier.

La pensée de l’Inde a poussé cette idée jusqu’à l’ultime en niant même la notion d’individu, nous croyons être des personnes indépendantes et séparées alors que nous ne sommes que des parties du grand tout, et nous participons tous de la seule réalité unique qui est l’être du monde. Le christianisme a développé la notion d’amour, mais l’Inde va plus loin, il ne s’agit pas tant d’aimer son prochain que de comprendre que mon prochain et moi sommes en fait un, nous ne sommes pas séparés, mais un seul être. Pour arriver à l’ultime de la vie, au nirvana, il faut comprendre que je suis l’autre et que l’autre est moi. Le mal que je fais à l’autre, je le fais à moi-même, et de même pour le bien. L’image que donnent les sages de l’Inde est celle de la bouteille immergée dans la mer. On pourrait croire qu’il y a pour elle un intérieur et un extérieur, mais si on enlève le bouchon, alors il n’y a plus ni intérieur ni extérieur, et tout est en libre circulation entre soi-même et le monde, sans barrière.

Sans aller jusque-là on peut dire, en suivant l’Evangile, qu’en fait nous sommes tous liés par un lien mystérieux et fort qui est l’amour, et qu’il faut sans cesse redécouvrir dans sa relation à l’autre en s’ouvrant à lui et en l’accueillant.

Le dynamisme orientant l’indétermination

Et enfin, cette indétermination quantique fondamentale, ce degré de liberté qui est à la base de notre monde physique est aussi d’une grande importance. Nous sommes dans un monde de probabilités perpétuelles. Pourtant cette indétermination, nous l’avons vu, mène quelque part vers le phénomène incroyablement complexe que nous représentons, qu’une partie de ce monde devient capable de se penser elle-même et d’être consciente. Comment ces indéterminations ont-elle pu mener à celà ? C’est la grande question. On peut croire dans un dynamisme créateur, dans cet élan vital dont parle Bergson et qui sous-tend tout le monde matériel et que l’on peut appeler « Dieu » pour celui qui n’a pas peur de ce mot. Cette action est évidemment très très lente dans le monde, et il a fallu plus de 13 milliards d’années pour arriver à ce que nous sommes, mais, là aussi, on peut penser que l’esprit humain s’il a cette particularité quantique d’être particulièrement indéterminé est aussi infiniment sensible à cette élan vital pour être mu par lui, et ce de telle manière que cela devient possible d’en voir les effets, non pas sur une échelle de milliards d’années, mais dans le temps dont nous pouvons avoir conscience. Nous sommes ainsi au bénéfice de ce dynamisme créateur qui a poussé le monde à être ce qu’il est, et qui nous permet, à notre tour de modifier le monde en étant, si nous le voulons bien créateurs du monde de demain autour de nous.

L’homme ne peut pas se penser sans ses frères et sœurs, sans ceux qui l’entourent sans le monde qui l’entoure. Il ne peut pas se penser en dehors de l’univers ni de la nature qui lui a donné naissance. Et c’est là le fondement de l’écologie. Et il ne peut pas non plus se penser sans un rapport à Dieu qui est le point d’appui, le sens, et le dynamisme de toute chose et de l’univers entier.

Ainsi la base de toute la vie humaine est magnifiquement résumée par ce double commandement du Christ, enseignant que ce que nous pouvons faire de mieux, c’est d’aimer Dieu de toute son intelligence, et son prochain comme soi-même. Ce n’est qu’ainsi que l’homme, qui est profondément quantique, peut accomplir son destin, vivre en plénitude et être heureux, et créateur.