En Église

Pas à pas, avec les autres, avancer

31 octobre 2018

Jeanine Guers a perdu brutalement son époux, alors âgé de 77 ans, en 2009. Ce deuil venait s’ajouter à une liste déjà longue.

Quelle a été la place de l’Église au moment de la mort de votre époux ?

Centrale ! mon mari est mort d’un infarctus à 22 h 30. Le médecin du Samu, ne voulant pas me laisser seule, a souhaité qu’on contacte les pompes funèbres et m’a demandé si j’avais des enfants à prévenir. Lorsque je lui ai répondu : « mon fils est au cimetière », il a été désemparé. J’ai prévenu le pasteur Denis Muller qui est resté de minuit à deux heures du matin. Il y avait chez moi, outre le pasteur, un couple de la paroisse, des amis et des voisins. Denis m’avait accompagnée pour le décès de ma mère, onze mois plus tôt. Je m’étais occupée d’elle pendant plus de trente ans, et, après son décès, j’étais épuisée et je me souviens m’être fait cette réflexion : « J’espère que je n’aurai pas à accompagner ainsi mon Jo ». Imaginez la culpabilité que j’ai ressentie à la mort brutale de mon époux… Denis a été très bien : juste après le service funèbre, il m’a dit qu’il m’emmènerait au culte à Firminy où il devait prêcher. Là-bas, il m’a confié les lectures, cela a été dur, mais m’a fait un bien fou.

« Nous avions rempli le contrat : jusqu’à ce que la mort nous sépare… » 

(© pasja1000 / Pixabay)

 

Par la suite, les gens vous ont-ils soutenue ?

J’ai été très entourée : visites, courrier. Cela ne m’a pas empêchée d’être malade. À la mort de mon fils, Jean-Louis, fauché par un camion, j’avais développé une maladie hépatique ; après celle de mon mari j’ai développé un diabète. Le décès de mon fils m’a attirée dans un gouffre sans fond ; je n’ai plus aucun souvenir de cette période, j’ai survécu, c’est tout… La seule chose dont je me souviens, c’est que, lors d’un culte du Défap (service protestant de mission) à Nîmes, j’ai pu redire le Notre Père pour la première fois, et j’ai entendu les gens derrière moi dire : « Mais pourquoi hurle-t-elle ? ». C’est là que j’ai compris ! Cela m’a aidée lors du décès de Jo ; nous avions cinquante ans de vie commune, nous avions rempli le contrat : jusqu’à ce que la mort nous sépare. Cela m’a donné une grande force. Le pasteur Marc Schaeffer m’a embarquée dans une formation pour les services funèbres, cela aussi m’a permis d’avancer. Quand on se retrouve seul, il y a deux possibilités : soit on s’enfonce, soit on se dit qu’on doit rester debout par respect pour les autres, ceux qui vous ont aimés et soutenus…

 

Qu’est-ce qui aurait pu être mieux fait ?

À ce moment, il existait chez les protestants une occultation des morts ; pourtant même s’ils sont partis, je vis avec eux. Heureusement, je faisais du bénévolat comme brancardière pour amener des malades à la chapelle catholique ; cela m’a permis de vivre des célébrations où les défunts sont évoqués. Depuis, à Saint-Étienne, une fois par an, il y a un culte pour endeuillés ; je n’en manque pas un. Il y a eu aussi le groupe pour personne en deuil fondé par le pasteur Cabanis, il a duré un temps, mais des amitiés fortes y sont nées.

 

Et depuis ?

Après le décès de mon époux, je me suis trouvé une activité par jour : associations, activités ecclésiales, loisir… Aujourd’hui, à 82 ans, je fais le mouvement inverse, j’essaie de me désengager. En février, cela fera dix ans que Jo est parti…

Propos recueillis par Vincent CHRISTELER,
pasteur à Saint-Étienne

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