Société

Marion Muller-Colard au Comité d’éthique

01 février 2018

La théologienne et auteure Marion Muller-Colard a été nommée au Comité consultatif national d'éthique par un arrêté du 26 décembre. Interview.

Pourquoi vous ?

« Je n'en sais fichtrement rien. Je me suis retrouvée avec l'Élysée au bout du fil, j'étais très surprise. C'est en tant que protestante en tout cas. »

Quelle est la responsabilité des chrétiens dans les débats qui s'ouvrent à partir du 18 janvier ?

« Peut-être de porter la tension présente dans tout l’Évangile. La loi est un socle, une base essentielle qu’il faut préserver et en même temps le réel la déborde. Pour moi, le passage exemplaire d’une attitude éthique dans l’Évangile est celui de Jésus devant la femme adultère. La loi écrite dans la pierre dit qu’il faut la lapider. Mais, devant elle, Jésus écrit quelque chose dans la poussière du sol, on ne saura jamais quoi. J’aime à penser qu’il y écrivait la loi pour cette femme et pour maintenant. L’exigence éthique est là : être capable de penser et repenser la loi en chaque circonstance. Ce qui me paraît également important en tant que chrétiens, c’est d’être en quelque sorte gardiens de la vulnérabilité. Je ne parle pas là de souffrance, mais bien de vulnérabilité. Mesurer la pertinence, au cas par cas, de réparer ou d’accueillir l’irréparable. La tendance actuelle va à la réparation systématique, d’autant que la technique progresse dans ce sens et c’est très bien. Mais à mesure que nous sommes capables de réparer mieux et plus, le danger est de ne plus travailler notre capacité à accueillir l’irréparable. Aumônier d’hôpital pendant sept ans, la fin de vie, bien sûr, est une question qui m’a beaucoup travaillée. Dans les accompagnements en fin de vie, je me disais parfois qu’il était aussi important qu’une personne quitte le monde en pouvant se dire qu’elle était fière d’avoir appartenu à cette humanité. La question n’est plus : "Qu’est-ce que je pense ?" mais "Comment pouvons-nous penser à plusieurs ?". J’invite les citoyens à participer à ces débats publics et à faire l’expérience du frottement, des grincements, de l’inconfort que génèrent les positions divergentes sur la PMA, la GPA et la fin de vie, en accueillant tout cela comme une maïeutique indispensable à la pensée citoyenne. Ce qui me tient particulièrement à cœur, c’est que ces États généraux puissent être aussi l’occasion d’une intelligence collective à l’œuvre, qui ne recule pas devant la contradiction et la complexité.

La Vie.

Commentaires