Cinéma

Les oiseaux de passage

01 juin 2019

Un film de Ciro Guerra et Cristina Gallego.

Sortie le 10 avril 2019, 2 h 05.

 

 

Une jeune indienne wayuu, Zaida, est présentée par sa mère Ursula au clan pour trouver un mari. Le jeune Rapayet fait sa demande. Pour récolter l’argent nécessaire à un mariage avec une famille prestigieuse au sein du clan, Rapayet met le doigt dans un engrenage tragique : il monte avec son ami Moses une petite filière de vente de marijuana aux jeunes touristes américains, qui en cette fin d’années 60 découvrent en Colombie, comme dit Moses, « le bonheur du monde ». Il fera fortune, avant d’être emporté dans un tourbillon de violence destructrice vingt ans plus tard.

Inspiré d’une histoire vraie, le film emprunte à la tragédie antique, au film de gangsters, au western, mais c’est sa dimension ethnologique qui fascine. Les oiseaux de l’été (titre original), ce sont les morts, esprits volatiles qui apparaissent en rêve à Zaida, sa grand-mère notamment. Les femmes wayuu laissent ici l’action à leurs maris, mais les influencent par la parole, l’autorité matriarcale d’Ursula, et leurs rêves prophétiques, dans un rapport au monde et à la tradition bien plus profond (et coercitif) que celui des hommes du clan.

Les ancêtres préviennent, se méfient de l’homme blanc, annoncent le drame par des images saisissantes. En vain. C’est autant l’avidité que l’hybris d’un pouvoir toujours plus grand qui vont détruire le clan et sa culture millénaire. Moses, puis le frère de Zaida, Leonidas, ivres d’argent et de pouvoir, laissent libre cours à une violence incontrôlable. L’offense aux esprits devient alors profanation : un « messager » est exécuté, chose impensable dans cette culture de la tradition orale ; les tombes deviennent caches d’armes.

Ce récit puissant fonctionne non seulement comme une métaphore de l’histoire de la Colombie ravagée par ses cartels, mais au-delà comme une interrogation sur notre âme humaine soumise au rouleau compresseur de l’avidité capitaliste. Car au final, c’est un oiseau qui s’offre à notre regard, dans le silence du désert. 

 

Pasteur Denyse Muller

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