Lectures en tension(s) (12)

Les dix commandements

01 octobre 2017

Pour bien interpréter la Bible, j’ai toujours pensé qu’il fallait tenir compte que la Révélation s’est inscrite dans une histoire, qu’elle n’a pas été dévoilée d’un coup, mais progressivement.

En premier lieu, il nous faut remonter aux premiers chapitres de la Genèse et particulièrement au deuxième récit de la création au chapitre 2, quand Dieu interdit à Adam et Ève de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; l’histoire commence donc par un interdit, c’est le début des choix moraux qui se présentent à la liberté de l’homme. L’homme a deux chemins devant lui, il devra choisir entre le bien et le mal : s’il choisit le bien, il vivra dans un monde pacifié, s’il choisit le mal, il crée son propre enfer.

Mais, à ce moment, on ne sait pas encore ce qui est bien et ce qui est mal…

Pour le savoir, on passe par une deuxième étape, la remise à Moïse des dix commandements, ou mieux des dix Paroles inscrites sur les Tables de la Loi. Elles sont encore formulées comme des interdits, mais on assiste au début de la morale : on dit ce qu’on ne doit pas faire, mais pas encore explicitement ce qu’il faut faire.

Détail du Puits de Moïse, à Dijon (15e siècle) © DR

L’interdit, instrument de libération

Pour bien saisir la portée de ce passage, on peut le replacer dans son contexte historique. La proclamation de la Torah commence par le rappel de la libération d’Égypte. La morale n’est pas imposée par Dieu pour écraser l’homme comme mai 68 l’avait pensé dans son célèbre slogan : « Il est interdit d’interdire », mais elle lui est donnée comme un cadeau, elle sera pour lui un instrument de sa libération. Quand le peuple hébreu était en esclavage sous les Pharaons, il n’avait pas besoin de se prendre en charge. Tout à coup, sous la conduite de Moïse, c’est le départ vers la Terre promise, vers la liberté, mais comment assurer cette liberté pour ne pas retomber dans un autre esclavage, celui de ses instincts et de ses désirs personnels ?

En effet s’il n’y avait pas une morale qui interdise de tuer, de voler, de tromper son prochain, de faire de faux témoignages… la vie en société serait impossible. S’il n’y avait pas un savoir-vivre qui suppose la justice et le respect de l’autre et de la planète, le monde serait une jungle où règnent la violence et la loi du plus fort.

Cette première révélation de la morale dans les dix commandements n’est pas définitive. Elle porte en elle-même ses limites et ses imperfections.

 

Une éthique basée sur l’amour

Dès le 5e siècle av. J-C, les prophètes Ézéchiel et Jérémie ont compris que la Torah était difficile à mettre en œuvre si elle n’est reçue que de l’extérieur ; c’est pourquoi ils ont relayé la promesse divine de l’inscrire dans les cœurs : « Voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la Maison d’Israël. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. »

On passe des Tables de pierre aux Tables de chair en intériorisant les règles éthiques et en ne les respectant plus seulement par peur du gendarme ou de l’enfer.

Dans l’Évangile, la morale fait un bond en avant. Jésus avait prévenu : « Je ne suis pas venu abolir la loi et les prophètes, je ne suis pas venu pour supprimer, mais pour accomplir ». (Matthieu 5.17)

À partir de la bonne nouvelle de Jésus, l’important c’est d’aimer, d’aimer comme dit Jésus, dans l’évangile de Jean « comme moi je vous ai aimés », c’est-à-dire jusqu’au bout, jusqu’à donner sa vie pour ceux que l’on aime, et pas seulement aimer son prochain mais aussi aimer ses ennemis. Utopique ? Pas sûr !

 

Jean-Marie DELCOURT
Saint-Jean-du-Gard

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