Dossier Luther

Leg inattendu de Luther

10 octobre 2017

Juillet et août ont encore été rouges. Rouge sang. De multiples attentats ont sorti les touristes de la torpeur pour les plonger dans la peur. Contagieuse. Suffocante. Pesante. On se serait cru au 16e siècle de Luther quand le réformateur voyait les attaques du diable partout !

Il insufflait les hordes de paysan « enthousiastes » dans leur soif et leur quête de liberté, animait les juifs dans leurs résistances à se convertir à l’Évangile et poussait les Turcs à aller toujours plus loin dans leur conquête des terres christianisées. Pourtant, ce Luther tant célébré cette année du 500e anniversaire des Réformes a eu au moins un mérite. Par son acte de résistance, son appel vigoureux à la conscience individuelle, il a transformé l’Église catholique, puissante, omniprésente, intrusive en une simple confession chrétienne. À sa mort, en 1546, la division confessionnelle est actée. Luther a ouvert la voie au pluralisme confessionnel et, plus encore, et là malgré lui, au pluralisme religieux. Avec la division du christianisme, la Réforme signe « l’avènement d’une certaine modernité » (Krumenacker, p. 385). L’historien lyonnais estime que « l’échec de la domination d’une confession sur les autres obligera à pratiquer, puis à penser le pluralisme ». La liberté de conscience pour tous, et non seulement pour les chrétiens, contraint à reconnaître l’autre dans sa différence, à écouter celle-ci et à la respecter. Si la diabolisation de l’autre ne peut que conduire à la violence, la « confrontation d’opinions différentes [est] un processus positif [qui peut amener à] la cohabitation paisible ». C’est un pari d’avenir en tout cas et d’espérance. Ce leg inattendu de Luther n’est pas le seul fruit positif de son héritage. Le dossier de ce mois essaie de faire le point sur la pertinence et les résonnances de la pensée de Luther aujourd’hui : la catéchèse, le travail, la sexualité, la parentalité, la liberté de conscience, la lecture de la Bible…Il y en a sans doute beaucoup d’autres que nous avons oublié. Mais ces thèmes-là suffisent à montrer combien il nous faut continuer à élaborer pour le monde une pensée qui puisse résonner avec ses questions, ses angoisses et ses espérances.

Au travail ! Bonne lecture.

Christophe Jacon.
Rédacteur en chef d'Ensemble.

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