Un lieu chargé d'histoire

Le temple de Velaux

01 octobre 2017

À l’initiative du curé et du député-maire de Velaux, le parvis de l'ancien temple de Velaux se nomme « parvis Jean Calvin » depuis le 23 septembre. Un symbole dont on mesure la force en découvrant l'histoire de ce temple.

 

Le 13 avril 1598, Henri IV signe l'Édit de Nantes qui permettra aux protestants français de célébrer leur culte en toute liberté. Il sera appliqué en Provence en 1600 en dépit de la résistance du Parlement d’Aix. Les protestants provençaux vont alors s’organiser et faire vivre les Églises réformées, créées dans les années 1560. Nous avons la trace de la création ou de l’existence de 18 paroisses réformées dans les Bouches-du-Rhône entre 1557 et 1561 dont Aix-en-Provence, Marseille, Salon, Aubagne, Lambesc, Sénas, Arles, Les Baux, Martigues, Saint-Rémy, Saint-Chamas ... et Velaux.

La placette baptisée Jean Calvin depuis le 23 septembre © famille Paul

Épicentre vaudois/réformé

Occupé par les Celtes et les Romains, le village de Velaux est un village moribond au Moyen-Âge, lorsqu’au 15e et début du 16e siècles les Seigneurs de Provence encouragent l’immigration afin de développer leurs terres. Venus du Dauphiné et du Piémont, quelques 6 000 migrants s’installent dans le Luberon et les Bouches du Rhône. Parmi eux, des Vaudois mettront Velaux en valeur tout en rejoignant la « religion de Genève ». Des temples sont construits à La Roque-d’Anthéron, Les Baux... La Provence compte alors 60 paroisses réformées.

Lors du massacre des Vaudois (Mérindol, 1545) par les troupes de François 1er, les protestants velauxiens ont la chance d’y échapper. Éloignés des concentrations vaudoises, ils accueillent même des réfugiés. À la fin des guerres de religions, la vie reprend. Pendant plusieurs années, bien que sans pasteur, Velaux a un atout : la paroisse existe depuis 1577. Le culte peut donc s’y maintenir alors que d’autres paroisses plus récentes ne le peuvent ou parce qu’elles abritent des évêchés ou archevêchés, concession faite par les rédacteurs de l’Édit de Nantes à l’Église de Rome. Ainsi Velaux englobe la paroisse d’Aix et de Marseille. Les réformés de ces deux villes et alentours font 15 à 20 kilomètres pour assister au culte ou célébrer unions et baptêmes.

Chapiteau sculpté dans la pierre calcaire de Coudoux, aux teintes rosées © famille Paul

Nécessité d'un temple

Les historiens n'en trouvent pas de preuves, mais il semble que protestants et catholiques aient partagé les lieux de culte de la ville. Puis les tensions entre les deux communautés grandissent. En 1610, les catholiques obtiennent de leur évêque d’avoir un curé « perpétuel et inamovible » et docteur en théologie de surcroît, afin sans doute de faire bonne figure face au pasteur. Des confréries de pénitents voient le jour. Il devient évident qu’il faut des lieux de culte distincts. Vers 1620, un temple est construit à Velaux. Le terrain est donné par un Suisse résident à Marseille, un emprunt est fait et des marchands et artisans protestants d’Aix, Valence et Marseille font des dons.

L'église Saint-Trophime actuelle © famille Paul

Du temple à l'église

Le temple est construit en dehors de la ville comme l’y obligeait l’Édit de Nantes. La façade fait partie de son originalité, avec ses deux portes d'origine biblique, caractéristiques de certains temples (Ézéchiel 41.23-24). Autre élément caractéristique : la grande arche en évitant les piliers, laisse passer la lumière, comme le préconisait Jean Calvin.

Velaux devient un haut lieu du protestantisme provençal. Quatre synodes régionaux s’y tiendront de 1625 à 1638. Barthélémy Recent sera le premier pasteur de Velaux. Mais le 17 octobre 1685, Louis XIV révoque l’Édit de Nantes, portant ainsi un coup fatal à l’économie française à cause de l’hémorragie de compétences due au départ des huguenots pour les pays du refuge. À Velaux, les catholiques font main basse sur le temple dès le 3 décembre 1685 et investissent la somme de plus de mille livres afin de masquer le temple et le transformer en église, connue aujourd’hui sous le nom de Saint-Trophime.

 

 

Gilles TEULLIÉ
Historien, Aix-en-Provence

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