Polémique

La justice « transitionnelle »

26 février 2017

En Colombie, la population a rejeté d’une courte majorité le processus de paix avec les Farc… Au Burundi, les institutions de l’État ont voté le retrait du pays de la Cour pénale internationale…. À La Haye, aux Pays-Bas, la société civile, venue des 4 coins du monde, a monté un procès « d’écocide » contre l’entreprise Monsanto… De quoi ces événements nous parlent-ils ? Processus de paix, justice internationale, procès hors cadre, … autant d’événements qui tentent de proposer une justice réparatrice pour des actes du passé ou en cours, dont la résolution apporterait un frein à la violence subie.

Lorsqu’une guerre civile prend fin, les populations locales tentent de reprendre une vie normale. Si les besoins essentiels sont retrouvés (un toit et de quoi se nourrir), les séquelles de la guerre ne sont pas oubliées pour autant. Comment re-vivre les uns auprès des autres, lorsque l’un a été le meurtrier de l’enfant de l’autre ? Comment oublier les atrocités commises, comment survivre à l’horreur du passé encore terriblement présent ? La paix n’est pas seulement l’arrêt du conflit armé. La paix n’est pas uniquement établie lorsque les armes se taisent. La rancœur, le désir de vengeance, la honte des actes commis, … sont autant de feux qui couvent et risquent de déclencher de nouvelles violences.

B Deymié, de aumônier général des prisons à la FPF, grand promotteur de la justice restauratrice@ C. Jacon

La paix a besoin de justice pour tenter de limiter l’installation de tabous collectifs ou de silences qui friseraient le négationnisme. La paix a besoin que les actes commis soient identifiés, reconnus et condamnés.
Justice
La justice transitionnelle est - à ce titre - un instrument de paix. Elle peut être mise en œuvre dans le pays lui-même, lorsqu’une certaine confiance est accordée aux acteurs de cette justice (par exemple les commissions « vérité et réconciliation » en Afrique du Sud). Elle peut aussi se mettre en place par des acteurs extérieurs et prendre la forme du Tribunal pénal international. Pour que la paix soit effective, pour qu’elle ne soit en tout cas pas trop fragile, il faut pouvoir combattre l’impunité. Les crimes ne doivent pas restés impunis. D’une manière ou d’une autre, les victimes doivent se sentir reconnues comme telles. Le psalmiste parle de ces situations désastreuses. Il crie son besoin de justice. Il en appelle à Dieu pour que les adversaires ne restent pas impunis. « Des cieux, tu énonces le verdict ; terrifiée, la terre se calme, quand Dieu se lève pour le jugement, pour sauver tous les humbles de la terre. » (Ps 76, 9-10).
Réinsertion
Et, en même temps, les auteurs des actes jugés doivent pouvoir se réinsérer après l’exécution de leur peine (pour les actes les plus graves) ou l’aveu public de leurs méfaits. « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (Rm 12,21). À la suite du Christ, l’apôtre Paul invite à une démarche qui brise le cercle infernal de la violence. Il ne s’agit pas de nier ou de fermer les yeux sur le mal mais d’entamer une démarche personnelle qui dépasse le réflexe de la vengeance. Si des formes de justice transitionnelle peuvent aider les ennemis du moment à sortir de la violence, elles aident aussi les croyants à mettre en pratique cette parole biblique de Paul. Mais, plus que la justice transitionnelle, c’est surtout une conversion personnelle qui permettra de vivre cette nouvelle réalité annoncée et vécue par le Christ. Lutter pour que le droit soit accessible à tous, tout en ayant une démarche non violente, étant assurés que Dieu fait « toutes choses nouvelles ».

Anne-Marie Feillens,
pasteur de l'Eglise protestante unie de France, à Orthez.

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