Cinéma

La douleur

01 février 2018

Marguerite Duras reconstruit en 1985 dans La douleur, quarante ans après l’avoir vécue, son angoissante attente du retour du camp de Dachau de son mari, l’écrivain résistant Robert Antelme, d’après son journal retrouvé dans les armoires de sa maison de Neauphle.

Marguerite Duras reconstruit en 1985 dans La douleur, quarante ans après l’avoir vécue, son angoissante attente du retour du camp de Dachau de son mari, l’écrivain résistant Robert Antelme, d’après son journal retrouvé dans les armoires de sa maison de Neauphle.

En écho aussi à sa propre histoire, Emmanuel Finkiel – Prix Jean Vigo 2008 pour Nulle part terre promise – se laisse convaincre, 32 ans plus tard, d’en écrire une ambitieuse adaptation cinématographique qui met l’accent sur cette souffrance et cette folie d’une attente en perpétuel écartèlement entre espoir et désespoir.

Cette attente se déploie dans les couleurs grises et sépia d’un appartement silencieux aux volets tirés, s’amplifie de la douleur d’autres femmes qui attendent, et s’exacerbe au milieu du chaos de la libération de Paris. Le film fait évoluer, autour du personnage en partie fictif de Marguerite, la figure solaire et protectrice du résistant Dionys Mascolo, son amant et le compagnon de lutte du couple, et celle démoniaque du gestapiste Pierre Rabier, que dans un long flash-back, elle va tenter de séduire pour sauver son époux, en un jeu de manipulation réciproque et de désir où l’ambiguïté est partagée.

Finkiel illustre miraculeusement par son travail sur l’image – usage fascinant des flous et des focales longues – les fluctuations de l’état mental de Marguerite et les répercussions, sur ses comportements, de sa détresse intime. Celle-ci, lancinante, sourd du texte de Duras, omniprésent dans la voix off introspective de l’actrice Mélanie Thierry, et s’exprime avec une émouvante intensité lyrique sur son visage tourmenté qui incarne l’auteur jeune.

Le réalisateur a choisi d’arrêter son film au retour bouleversant et insupportable de Robert qui ne signe pas la cessation de la douleur et débouche sur une autre angoisse, la découverte de l’horreur absolue des camps de concentration, refoulée jusqu’à la fin des années 60. Grâce au texte de Duras et aux images de Finkiel, ce film fait resurgir de façon captivante la période trouble de la Résistance à travers la subjectivité torturée d’une écrivaine.

 

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La douleur, Emmanuel Finkiel. Sortie le 24 janvier 2018. 2 h 6 min

Jean-Michel ZUCKER,
ProFil

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