Edito

Interpréter sans cesse

01 février 2018

Dans la tradition juive, selon Marc Alain Ouaknin*, Dieu se manifeste comme « livre », comme un texte, et à travers les noms différents qui apparaissent dans ce texte. Si on ne fait pas l'effort d'interpréter sans cesse ce texte, c'est comme si on laissait Dieu enfermé dedans.

 

 Et on ne sait pas à l'avance ce que l'on va y trouver. D'ailleurs, le nom (une des façons de nommer Dieu) se dit Shem en hébreu ce qui signifie : là-bas. Interroger le nom de Dieu, c'est donc interroger l'ailleurs. Et, en hébreu, El que l'on traduit par Dieu, veut dire à la fois peut-être et vers. S'interroger sur Dieu, entrer en relation avec lui, c'est donc être sans cesse en mouvement.

Boris Cyrulnic explique pour sa part que dans l'incertitude, le cerveau travaille. Dans la certitude, il arrête de travailler. « La certitude, le slogan, c'est l'arrêt de la pensée. Le doute c'est la recherche, le choix, la liberté de penser »... Et il fait allusion à tous les langages totalitaires qui, à partir de structures simples, arrêtent la pensée et unissent comme un seul homme.

Cet échange soulève la question de la foi quand elle est tellement pétrie de certitudes qu'elle en vient à se faire de Dieu une idée toute faite, une connaissance que l'on s'imagine posséder et maîtriser, ce qui est la définition de l'idole. Une telle foi pousse à rejeter ceux qui ne croient pas exactement pareil. Pour ces deux penseurs, seuls le doute et l'acceptation de l'altérité permettent de progresser dans l'approche de l'Autre et des autres.

Est-ce si différent de l'Évangile ? Jésus ne cesse de se déplacer, d'aller là où on ne l'attend pas, de se laisser lui-même bousculer par les individus qu'il rencontre. Et ses paroles ébranlent les habitudes, délogent les certitudes, secouent les conforts, changent les regards... Alors, comme nous y invitent plusieurs auteurs de ce mois, saisissons notre Bible et laissons-nous surprendre !

Doris ZIEGLER

 

* M. A. Ouaknin, philosophe ayant suivi des études rabbinique, et B. Cyrulnic, neuropsychiatre, dans l'Heure bleue de Laure Adler, vendredi 5 janvier. Émission très riche à retrouver sur franceinter.fr

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