Lectures en tension(s) (7)

En vue d’une conversion de force ?

01 mars 2017

La scène se passe sous l’œil soupçonneux des Pharisiens, dont l’un des chefs a invité Jésus à sa table. Le maître de l’Évangile prononce alors une parabole : un homme organise un festin, les invités se dérobent. Ulcéré par ces refus, il envoie son serviteur à travers la ville « rafler » les pauvres, les estropiés, les aveugles et les infirmes : « Force-les à entrer, afin que ma maison se remplisse ! »

Saint-Augustin peint par Botticelli
©Wikipedia

« Contrains-les d’entrer ! » (Luc 14.23)

Au IVe siècle, en Afrique, un schisme divisait l’Église. L’empereur Constantin et ses successeurs avaient légiféré contre les donatistes qui s’étaient séparés de la grande Église. Augustin, évêque d’Hippone, a utilisé ce verset pour légitimer l’emploi de la force par l’État en vue de ramener les hérétiques, les schismatiques et les apostats dan

s le giron de l’Église : « C’est pourquoi si, par la puissance qu’elle a reçue de la faveur divine et au temps voulu, au moyen de la piété et de la foi des rois, l’Église force d’entrer ceux que l’on rencontre sur le long des chemins et des haies, c’est-à-dire dans les hérésies et les schismes, ceux-ci ne doivent pas se plaindre d’être contraints », écrit-il. Il justifie la coercition par le bien que les récalcitrants en reçoivent, même s’ils ne le perçoivent pas. Ces textes d’Augustin ont nourri un enseignement du bien-fondé de la violence dans le domaine spirituel, lors de la révocation de l’Édit de Nantes par exemple. Un mot de l’évangile a été manipulé pendant des siècles afin de justifier la confusion entre l’Église et l’État, dans le but d’asseoir une do

mination sur les consciences. Les temps ont changé. Dans la France de 2016, l’État et les Églises sont séparés. Nous sommes attachés aux principes de la laïcité et aux valeurs de la liberté religieuse. La théologie politique d’Augustin semble révolue. 

Contre la coercition spirituelle
Les prédicateurs sont sensibles à d’autres aspects de ce texte. « Comment et pourquoi Dieu nous reçoit finalement tous au paradis », questionne ainsi un pasteur. « Il faut que les gens viennent » : l’injonction du maître illustre l’affirmation selon laquelle Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés ». Ceux qui sont entrés dans la salle sont des blessés de la vie. Peut-être se sentent-ils indignes de l’invitation. Toutefois ils n’ont rien à prouver, ils doivent seulement dire « oui ». C’est une allégorie de la gratuité du salut dont Jésus est l’annonciateur. Ceux qui ont décliné l’invitation, pourquoi préfèrent-ils les réalités avant-dernières, celles du monde aux réalités dernières, celles de la foi ? Le serviteur mérite lui aussi l’attention. La parabole trace le portrait de l’évangéliste. La mission est claire. Le serviteur n’a d’autres armes que celles de la parole. Il lui faudra être persévérant. 

Qui accueille ? Qui est accueilli ?
Jésus raconte des histoires d’invitation dans le cadre d’une invitation. Cette mise en abyme nous plonge dans la question de l’hospitalité : Accueillir, être accueilli, qu’est-ce que cela signifie et implique ? La question n’a jamais été aussi actuelle.

 

Richard CADOUX
pasteur à Vernoux

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