Formation interreligieuse à Sciences Po Paris

Emouna, l’amphi des religions

01 avril 2017

« Emouna », « amen » et « amana » sont des mots issus d’une même racine, commune à différentes traditions spirituelles. Ils signifient confiance, loyauté, spiritualité, adhésion, engagement par des actes. Ils invitent à penser des structures ou piliers spirituels sur lesquels une société peut s’appuyer. Ils évoquent une source éthique commune, à laquelle l’humanité peut s’abreuver.

Depuis les attentats de Charlie Hebdo et celui du 13 novembre à Paris, la question de la religion dans l’espace public est revenue au premier plan.

Dans un pays où la laïcité est inscrite dans la Constitution, comment vivre ensemble, en respectant nos libertés fondamentales et notamment la liberté de vivre et de pratiquer sa foi, sans l’imposer et sans créer du conflit ou du communautarisme ?

La promotion Emouna 2016 dans les jardins de l'Alliance israélite universelle
©DR

Une formation nouvelle
Depuis septembre 2016, une trentaine d’étudiants un peu particuliers se retrouvent dans le cadre de Sciences Po : ils sont prêtres, rabbins, pasteurs, imams, bouddhistes, laïcs engagés dans leurs communautés et même hauts-fonctionnaires.

Ils ont plusieurs objectifs : maîtriser l’environnement politique et institutionnel français qui entoure la pratique religieuse, avoir une meilleure connaissance mutuelle des différentes traditions, mais aussi, et le plus important, mettre en relation ces acteurs de la vie religieuse et publique.

En découvrant les rouages de la loi 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, et le principe de protection sociale, en approfondissant la réflexion sur les rapports entre culture, philosophie, sciences, éducation et le monde religieux, des amitiés sont nées ; des projets, tels des rêves, germent dans les têtes et la fraternité retrouve tout son sens. 

Une grande école pour cette formation
Que Sciences Po soit le porteur de ce diplôme est une grande nouveauté. Il ne s’agit pas simplement d’un échange entre des théologies, mais bel et bien d’une réflexion commune sur le vivre ensemble et la place des religions dans la République. La neutralité de cette grande école permet à chacun/e d’apporter et de recevoir dans ce cadre commun qu’est la laïcité. Afin de mieux découvrir les différentes traditions, chaque rencontre est organisée dans des lieux différents. Après avoir découvert les locaux de Sciences Po, la promotion s’est réunie à l’Institut protestant de théologie, dans les grandes mosquées d’Évry et de Paris, au centre Maayan (communauté juive libérale), au collège des Bernardins ou encore dans une école de l’Alliance israélite universelle. D’autres lieux sont encore prévus, ouvrant toujours plus la compréhension de la religion de l’autre.

Retrouver le sens de la laïcité
La question de la laïcité est plus que jamais présente dans les débats, aussi bien sur la scène publique qu’au sein des religions. On veut soit une laïcité ouverte soit une laïcité fermée, et il semble qu’aujourd’hui cette dernière conception l’emporte. « Emouna, l’amphi des religions » souhaite montrer que l’ouverture et le vivre ensemble sont possibles, qu’il n’y pas un combat entre les religions d’un côté et la République de l’autre. Que tous ensemble nous faisons société et qu’au-delà de nos différences et de nos croyances ou non-croyances, nous pouvons avancer ensemble.

Peut-être qu’Emouna est l’expérience de la redécouverte de l’idéal laïque d’un Buisson et de bien d’autres pères de la laïcité, non pas une négation, mais une ouverture, un respect et surtout une garantie de la Liberté ou chacun/e œuvre pour « l’Idéal du Bien ».

Avec cette formation, nous réalisons ce vœu de Gabriel Séailles qui dit comme une devise : « Il faut que l’on puisse être athée sans être traité de scélérat, et croire en Dieu sans être traité d’imbécile. »

Christophe COUSINIÉ
pasteur dans l’Ensemble entre Gardon et Vidourle

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