Édito : Préserver l’institution quoiqu’il en coûte??
En fin d’année 2021, le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église catholique a révélé l’ampleur d’un véritable désastre. Personne, et encore moins les membres de la commission présidée par Jean-Marc Sauvé, ne s’attendait à ce que les abus aient été aussi nombreux. Tout de suite, les réactions ont fusé allant de l’indignation sincère et pudique, à la brève de comptoir pathétique. Beaucoup, sans avoir lu le rapport en entier, ni même des extraits, avaient déjà des solutions évidentes et scientifiquement étayées : « Il faut permettre aux prêtres de se marier et ça arrangera tout ! » ou encore « L’ensemble des évêques doit démissionner ! ». J’en passe pour vous épargner les meilleures.
C’est à moi que vous le faites
Au-delà des abus, ce qui a choqué c’est le fait que les auteurs de ces exactions ont souvent été couverts par leur hiérarchie et qu’aucun geste de compassion n’a été consenti en direction des victimes. Pourquoi l’Église n’a-t-elle pas eu ce réflexe ? « Si vous faites mal à un de ces petits, c’est à moi que vous le faites » ! Pourquoi cette parole du Christ que tout le clergé connaît parfaitement, n’a-t-elle pas fait sens ? Pourquoi a-t-on privilégié la dissimulation, parfois la pression sur les familles plutôt que l’accueil des victimes et des agresseurs pour leur signifier l’amour du Christ à l’un et à l’autre et les accompagner ? Pourquoi avoir préféré protéger les agresseurs, au nom du secret de la confession, en ne les incitant pas à se présenter devant la justice plutôt que d’entendre la souffrance des victimes ?
Nos sœurs et frères catholiques traversent une zone de fortes turbulences qui ébranlent jusqu’aux fondements de leur Église et dont l’onde de choc atteint l’ensemble des communautés chrétiennes. Pourquoi avoir tant tardé à mener l’enquête et à mettre la question à l’agenda ?
Privilégier l’Évangile
Toutes ces questions se bousculent et percutent nous laissant dans l’expectative. Une des explications est à rechercher dans le réflexe bien ancré : la défense de l’institution. L’Église catholique est devenue une institution millénaire qu’il convient de ne pas bousculer. Luther s’y est essayé… nous connaissons tous la réaction. Les politologues expliquent que l’institution ne vit que pour elle-même et écarte tout ce qui peut la remettre en question. Jacques Ellul qui a beaucoup écrit sur le sujet parle même de subversion du christianisme. Nous devenons inaudibles et contradictoires lorsque nous privilégions la défense de nos organisations, de nos traditions et de nos pratiques au détriment de la mise en pratique des paroles de l’Évangile.
En ce début d’année et tout au long de l’année 2022, acceptons que nos Temples soient régulièrement détruits pour que le Christ les reconstruise.