Bénin : Pour un premier contact, on ne pouvait rêver mieux
Mettre pour la première fois le pied sur le sol de l’Afrique subsaharienne ne laisse pas indemne tant le dépaysement est profond. Retour sur cette expérience avec les yeux du pasteur Christophe Cousinié.
Lorsque la CPLR (Communion Protestante Luthéro-Réformée) a publié son programme de formation pour l’année 2016, mon intérêt s’est porté sur le stage prévu du 1er au 11 avril.
Il ne s’agissait pas d’une de ces formation qui permette d’approfondir tel ou tel aspect du ministère pastoral, mais bien plus d’une découverte.
Nous étions invités à partir au Bénin.
Certains pourraient penser que l’intérêt pour ce stage était purement « touristique ». Pourquoi ne pas profiter de ce droit à la formation dont bénéficient les pasteurs pour prendre 10 jours au soleil et faire un peu le touriste en terre africaine. Eh bien, vous n’auriez pas tout à fait tort de penser cela, car ce fut sans doute une des premières pensées qui m’a traversé l’esprit.
Partir en Afrique, découvrir le Bénin, vivre un dépaysement total, voilà qui pouvait être tentant pour le pasteur des Cévennes que je suis et dont le pied n’avait jamais foulé la terre de ce continent.
Mais, même si l’attrait du voyage est bien là, le thème de ce stage ne me laissait pas indifférent. « Développement durable et fin du monde : une tension féconde ? »
Il est vrai que les questions de développement durable, d’écologie, de sauvegarde de la création doivent aujourd’hui être au centre de nos réflexions.
Il est essentiel d’annoncer un message venant de l’Evangile et s’adressant à chacun, lui permettre de devenir un humain accompli à l’image de Jésus le Christ, de trouver dans l’Evangile une parole qui relève l’être humain mis à terre et l’ouvrir à une espérance. Mais tout cela ne sert à rien si à côté de la spiritualité et de la foi, il n’y a pas le souci du monde qui nous entoure. Et comment vivre une foi épanouie et libératrice dans un monde que l’on détruit, que l’on exploite et qui produit autant de catastrophes que de réfugiés climatiques ?
Voyage et réflexion, voilà deux bonnes raisons de s’inscrire à cette formation.
Le voyage
Apres toutes les formalités faites (passeport, vaccins et valises), direction l’aéroport de Montpellier pour rejoindre les collègues, tentés eux aussi par cette aventure, à Roissy d’où nous partirons ensemble pour le Bénin.
Dans le grand hall, nous devons nous retrouver. Heureusement, le monde protestant n’est pas très grand et rapidement des visages connus se retrouvent et des visages nouveaux font connaissance.
Après le voyage (et le retard) nous voilà enfin arrivé à Cotonou ou nous attend Etienne Bonou, professeur de théologie pratique à l’UPAO (Université Protestante d’Afrique de l’Ouest), qui nous conduira à Porto Novo.
Pour un premier contact avec l’Afrique, on ne peut rêver mieux. Il y a bien entendu la chaleur, qui est augmentée du fait d’un taux d’humidité très élevé, mais surtout nous devons embarquer dans un mini bus qui semble avoir déjà vécu plusieurs vies. Les bagages sont chargés sur le toit et les pasteurs s’entassent pour une heure de route.
L’UPAO qui nous accueille offre un cadre exceptionnel, entre architecture style colonial et vie estudiantine africaine.
Le stage peu désormais commencer.
Au programme : rencontre avec les collègues béninois, cours sur le thème, et visites.
Rencontre entre pasteurs de France et du Bénin
Voici donc 15 pasteurs français (venus de Normandie, du Diois, de Paris, de Lyon, du Gard, mais aussi d’Alsace et Moselle) rencontrant 15 pasteurs béninois.
Deux par deux, puis en groupe, ils vont apprendre à se connaître.
Bien sûr, il y a des personnalités qui se rencontrent, mais surtout à travers ces ministres ce sont trois Eglises qui se rencontrent, deux manières de vivre l’Eglise (l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, l’Eglise Protestante Unie de France et l‘union des Eglises Protestantes d’Alsace Lorraine).
Pour certains c’est comme un choc !
Les réalités d’Eglises et d’exercice du ministère sont tellement différentes que c’est un nouvel horizon de compréhensions qui s’ouvre devant nous. Comparer la vie d’Eglise du Bocage normand avec celui de la région des Monts (Bénin) ou bien encore avec le Piémont des Cévennes, revient bien souvent à parler de choses si différentes qu’elles pourraient être étrangères, si ensemble nous ne parlions pas de l’Eglise de Jésus le Christ.
Et puis, au-delà de ces rencontres subjectives, les pasteurs français découvrent la réalité du culte méthodiste en Afrique (influencé par les premiers missionnaires anglais du 19ème siècle).
Un temple ouvert, vaste, ou petit à petit les paroissiens arrivent (culte à 9h30, mais avec des arrivées qui s’échelonnent jusqu'à au moins 10h30 voire 11h).
Les chorales se mettent en places (eh oui il y en a plusieurs) ainsi que les musiciens.
Et le culte commence. Tout d’abord, la liturgie ne nous semble pas si différente, mais dès que les premiers chants retentissent aux rythmes des percussions et des chants joyeux, nous saisissons la différence. Au final trois heures de culte mêlant texte liturgiques, prédication, cène, chants et danse. Et bien sûr, tous les pasteurs ont une pensée pour leur trésorier lorsqu’arrive le temps des « actions de grâce » ou pour la première fois certains voyaient des fidèles donner de leur argent avec joie et en dansant.
Les visites/découvertes
Mais n’oublions pas le coté touristique du séjour !
Deux visites ont ponctué notre formation.
Tout d’abord la cité lacustre de Ganvié. Ce village planté sur pilotis au milieu d’un immense lac.
Il fallait voir tous ces pasteurs sur les pirogues partant à la découverte d’un mode de vie bien particulier !
Ce village d’aujourd’hui 3500 âmes fut fondé il y a 300 ans par des personnes qui fuyaient l’esclavage. La légende veut que ce soit sur le dos d’un crocodile et guidé par un oiseau que les premiers habitants arrivèrent sur une petite ile (aujourd’hui le cimetière du village).
Petit à petit, le village se développe sur l’eau, vivant de la pêche traditionnelle.
Aujourd’hui, dans ce village, on vit toujours sur l’eau, avec la pirogue comme seul moyen de locomotion, pour visiter son voisin ou pour se ravitailler en eau potable (il y a aujourd’hui des forages). Bien sûr, avec le temps, les habitants ont construit de petites iles artificielles …il faut bien apprendre aux enfants à marcher avant de leur apprendre à nager (à 4 ans les enfants savent nager).
Mais chose plus surprenante : ce village, tout en se développant, notamment par le tourisme, a su garder son mode de vie traditionnel basé du la pêche. Il a même sut dire non aux chinois qui commençaient à convoiter les richesses du lac.
La deuxième visite nous a conduits dans la ville de Ouidah, capitale du vaudou.
Apres avoir visité le temple des pythons où certains se sont aventurés à avoir un de ces serpent autour du coup, la trentaine de pasteurs s’est dirigée vers l’histoire qui a marqué de manière différente nos deux cultures : la route des esclaves.
Emotion et malaise devant l’atrocité de ce commerce qui condamnait les esclaves à un voyage sans retour. Face à la porte du non-retour, Français et Béninois ont repensé à l’effroi de cet arrachement qui, hélas pour beaucoup encore à travers le monde, n’est pas qu’un pan de leur histoire.
Le développement durable
Mais n’oublions pas le pourquoi de notre venue au Bénin, la question du développement durable.
Au fils des interventions et des discussions une chose nous a frappés.
Quand on parle de développement durable en France et au Bénin, on ne parle pas de la même chose.
Si pour nous, développement durable est associé à l’écologie et à la consommation raisonnée, voire à la décroissance (en un mot, comment conserver notre niveau de développement de façon durable), les béninois semblent bien étrangers à ces notions.
En effet les occidentaux mettent l’accent sur le « durable » tandis que les africains le mettent sur le « développement ».
Comment demander aux pays sous-développés de se préoccuper de notre bien-être écologique (au niveau planétaire) en stoppant leur développement, alors que ce qu’ils souhaitent c’est arriver à être développés ?
Au final, la question que nous devons nous poser, c’est : comment est-il possible que le développement des uns ne soit pas une contrainte pour les autres ?
Et peut-être pouvons-nous nous poser la question de savoir s’il est bon que les pays d’Afrique soient développés comme nous, ou s’ils doivent trouver leur propre développement, garder leur culture, leur mode de vie tout en vivant un progrès économique, social et écologique.
Peut-être devrions-nous penser cette notion de progrès.
L’Occident doit progresser dans son mode de vie pour qu’il devienne responsable au niveau écologique et social. L’Afrique doit progresser pour redécouvrir toute sa richesse culturelle et économique.
Les uns progressant pour essayer de conserver leur bien-être, les autres progressant pour découvrir un bien-être, différent, mais culturellement leur.
Les questions et les découvertes nous invitent toutes et tous à penser notre mode de vie, là ou nous sommes et là où nous en sommes.
Ce qui est sûr, c’est que cette terre africaine semble être un nouveau « nouveau monde » et j’entends depuis ce séjour son appel à y retourner et à travailler ensemble.
Christophe Cousinié (EPUdF Gardon et Vidourle III)