Mise en route (13)

Ballade pour un sentier

01 novembre 2016

Marcher, c’est faire des rencontres avec des êtres humains, mais aussi un arbre, un caillou, un oiseau... Celui qui dit je suis le chemin permet tout cela : la rencontre avec tout ce qui vit et vient bousculer, enrichir, donner du sens à ma vie.

En suivant un sentier de bord de mer, cet été… Dans ce cas, l’esprit chemine souvent de son côté, à son propre rythme, selon ses propres choix. Le mien s’est accroché, allez savoir pourquoi, à un souvenir d’enfance qui n’a d’ailleurs disparu que depuis peu : un verset biblique accroché au mur du temple de Châteaudouble, dans la Drôme : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean 14.6). Phrase que je considérais avec un mélange de respect, de crainte et de méfiance, en retenant surtout les majuscules (qu’est-ce que « la Vérité » ?) et ne sachant que faire du « je suis le Chemin » qui me paraissait assez secondaire.

 

L’importance du chemin

Me voilà en train de réaliser que ce « Je suis », avait une longue histoire, depuis Moïse et le buisson ardent. Ici, il ne s’agissait pas de Jésus sur le chemin, comme celui conduisant vers Emmaüs ; ni d’un Jésus indiquant le bon chemin : non, il est le chemin sur lequel je me trouve, quel qu’il soit… c’est moi qui en ferais un bon ou un mauvais usage.

Il faut se trouver soi-même sur un chemin pour apprécier pleinement tout ce que cela implique :

se perdre, et se retrouver – parfois difficilement. Fuir la compagnie, ou s’arrêter pour tailler une bavette – l’un n’excluant pas forcément l’autre. Refaire le monde avec ses compagnons de route, offrir son eau à qui en manque, attendre l’éclopé, essayer de comprendre la vie des gens du lieu… Tout le monde n’est pas sur la route de Jéricho, ou sur celle d’Emmaüs.

Un chemin, de nos jours, sert aussi à fuir un pays, mais parfois à attendre celui qui fuit, quitte à attendre hors des sentiers battus et à oublier volontairement la voie droite.

Il est enfin le sentier des poètes, qui donne à la vie son sourire.

 

Le risque de la rencontre

D’accord pour le chemin, mais les deux autres mots ? Je suis le Chemin, et la Vérité… Voilà qui met à mal pour moi toute idée de Vérité établie une fois pour toutes : elle s’atteint en mettant un pas devant l’autre, et tout pas nouveau, toute nouvelle rencontre vont modifier nos points de vue, nos conclusions, nos certitudes ; nos doutes, aussi, sans lesquels notre foi serait figée et incapable de s’ouvrir à l’imprévu.

Le Chemin, et la Vérité, et la Vie : nous voilà. Nous voilà avec notre raison de vivre. Avancer, risquer les rencontres, accepter la remise en cause de nos certitudes, risquer la rencontre et l’échange, accepter d’être changé : la Vie, c’est cela…

Et tout cela sur un sentier, un œil tourné vers les cailloux du chemin, un autre surveillant le risque de pluie ; une oreille à l’écoute de mes voisins, l’autre suivant le chant des oiseaux.

Et heureux comme ce n’est pas possible d’être, d’avoir fait ces quelques pas, un jour d’été, entre mer et nuages.

Daniel GUICHARD
paroissien de Bresse-Buget-Dombes

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