Accueil inconditionnel

01 juin 2017

Muriel Menanteau est directrice de la Maison Verte, l’une des Fraternités de la Mission populaire évangélique de France (MPEF) dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Elle nous parle de leur leitmotiv : l’inclusivité.

Pourquoi associer l’adjectif « inclusif » au christianisme, à une communauté ecclésiale ? Pourquoi encore appuyer une démarche dite d’accueil inconditionnel par le concept d’inclusivité ? Tels étaient mes premiers questionnements en découvrant, il y a une dizaine d’années, un certain nombre d’initiatives, en particulier à la Maison Verte. Le christianisme n’est-il pas par essence déjà « inclusif » ? Faux questionnement candide ! Il s’agit plus certainement de l’ignorance d’une histoire de mouvements qui ont porté et portent le combat et la réflexion d’un accueil inconditionnel au travers de vécus individuels et collectifs. Le concept d’inclusivity en anglais est apparu il y a une cinquantaine d’années pour désigner une théologie, une pratique et un mouvement affirmant le caractère inconditionnel de l’amour de Dieu incarné en Jésus-Christ. Le concept vise notamment les personnes LGBT(1), victimes de discrimination ou d’exclusion. Les « révolutions » de mentalités demandent temps et labeur, parfois surviennent des « retournements » qui sont de l’ordre de la grâce.  

L’inclusivité pour couper de la solitude 

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Échanges

Les combats passent par la parole, celle qui dit, dénonce les discriminations, et celle de la pédagogie par les mots, qui va aider à penser, à regarder autrement, enfin à dialoguer. À la Maison Verte, à la fin de la première décennie de 2000, Stéphane Lavignotte, pasteur de la Mission populaire évangélique de France (MPEF), et d’autres acteurs de cette Fraternité, introduisent ce concept d’inclusivité, afin de découvrir l’Évangile en ouvrant de nouvelles fenêtres. Réveiller des consciences en sensibilisant à d’autres altérités, aux personnes qui ne sont pas accueillies ailleurs, sans se reposer sur des discours bien rodés sur l’accueil inconditionnel.

Comment passer des mots aux projets collectifs, à l’action, aux changements de regards, de comportements ? Une des grandes lignes de la Miss Pop est cette utopie, ce mouvement d’appeler des personnes issues d’horizons « multiconvictionnels » à travailler ensemble à des projets communs de solidarité et d’entraide. Grâce à des personnes, dans ce qu’elles sont, avec leur parcours, leurs propres talents, ou capacité d’agir, des projets ont vu le jour, des activités ont été repensées. Mama, jeune femme aveugle d’origine sénégalaise, stagiaire, puis bénévole à la Maison Verte, a initié les enfants du soutien scolaire à un goûter dans le noir. La projection de films audio-décrits et sous-titrés rassemble des personnes malentendantes, malvoyantes, des seniors qui retrouvent le goût du cinéma, des personnes du quartier.

 

 

 

Ouverture

Cette attention à l’inclusivité incite à reposer régulièrement les principes et cadres qui régissent des activités plus régulières telles que l’accueil social de jour, ou encore l’élargissement des équipes de bénévoles. Accueillir : qui ? Comment ? Et finalement, qui accueille qui ? L’accueil ne va pas de soi et il ne suffit pas, il est encore à dépasser. Que faisons-nous, que construisons-nous ensemble ? Comment faisons-nous de la place et quelle place donnons-nous aux nouveaux venus ? À quoi ressemble notre « horizontalité » ? À une ziggourat(2) ?

En 2010, le texte issu du colloque de Dourdan de la MPEF mentionne l’inclusivité comme un des « 5 chantiers » pour vivre et manifester l’Évangile dans le milieu populaire (cf. la Charte de la MPEF) : Cette parole [de Jésus-Christ] s’oppose radicalement à tout système de domination qui écrase et nie les personnes. Par elle, nous sommes porteurs d’une inclusivité qui s’ouvre à toutes les différences, d’un humanisme qui valorise chaque personne et d’une espérance qui bâtit des ponts, autrement dit d’un Évangile implicite. Avec discernement, respect et parfois audace, nous pourrons aussi le dire explicitement, surtout lorsqu’on nous interrogera : là réside la cohérence entre nos paroles et nos actes

MURIEL MENANTEAU, ENVOYÉE DE LA MPEF

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